Chapitre 4
7 février 2009,
Le cachet de la Poste faisant foi.
C’est bon. J’en suis sûre désormais. Je suis fin prête. Je viens de passer la frontière franco-allemande. C’était mon premier voyage mais aussi le dernier vers ce beau pays, la France. Lors de ma traversée, j’ai rencontré plein de gens tous aussi timbrés les uns que les autres. Je suis désormais en compagnie d’un nouveau facteur français et me dire que je ne le reverrai plus jamais me donnerait presque envie de pleurer. Mais si je pleure je serai complètement illisible. Allez, il faut que je reste forte, ce n’est pas le moment de verser une larme, je suis presque arrivée à destination.
Et voilà, c’est fait. Brutalement jetée dans la boîte aux lettres du 5 rue Thiers, 85000 La Roche sur Yon, France, au domicile d’une certaine Emma Wagner. Je le sais parce que c’est écrit sur mon enveloppe. Le facteur m’abandonne et les larmes commencent à me monter aux yeux. Me voilà encore seule. Et pas vraiment à l’aise, prisonnière dans cette boîte obscure. Ah, j’entends un pas qui approche. Quelqu’un ouvre. Une main me saisit. Je suppose qu’à l’extrémité on doit trouver cette fameuse Mademoiselle Wagner.
Elle est plutôt jolie, environ 25 ans, assez fine, grande, brune avec une frange, les yeux verts émeraude et quelque chose de triste dans le regard. Nous montons ensemble. Je me sens bien chez elle, il fait bon, la pièce est lumineuse, les couleurs chaleureuses et une agréable senteur vanillée parfume le tout. Emma a aussi beaucoup de goût, son appartement semble ordonné et joliment décoré.
Avec soin, la jeune française me regarde sous tous les angles, je dois l’intriguer. C’est un peu gênant d’être auscultée ainsi mais je comprends, ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit une lettre d’Allemagne. Une telle lettre de surcroît.
Elle a pris sa décision : elle m’ouvre et commence à me lire.
Bayreuth, le 3 février 2009.
Chère Emma,
Cette lettre va te surprendre. Je me nomme Verena Wagner. Tu n’as probablement jamais entendu parler de moi. Je suis ta tante. J’ai bien connu, ton père, Thomas. Ma mère, ta grand-mère, s’appelait Winifred. Tu ne l’as guère connue, elle. Nous descendons de la lignée du célèbre compositeur Richard Wagner.
À l’occasion de l’anniversaire de sa mort, le 13 février 1883, je tenais à t’inviter personnellement à Bayreuth.
Beaucoup de choses ont été construites sur le secret et le mensonge. Le choix de ton père de te tenir écartée de tout cela était respectable mais je ne peux plus, moi, vivre aujourd’hui avec ce poids. Et j’ai peur de ne plus avoir beaucoup de temps pour te faire connaître la vérité.
J’espère sincèrement ta venue.
Cordialement.
Ta tante, Verena Wagner